DES CLÉS POUR AGIR
01
Quels sont les éLéMENTS évocateurs ?
Eléments personnels
Eléments spécifiques au TSAF :
- Exposition prénatale à l’alcool
- Traits faciaux caractéristiques au SAF
- Retard de croissance saturo-pondéral
Décalages dans les acquisitions, les apprentissages, difficultés adaptatives ou diagnostics avérés de troubles du neurodéveloppement :
- Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)
- Trouble généralisé des fonctions exécutives
- Trouble de la régulation émotionnelle
- Trouble du développement intellectuel (TDI) léger à limite
- Troubles des apprentissages (ayant nécessité un programme adapté, une assistance à l’apprentissage ou entraîné un échec scolaire par exemple)
- Trouble oppositionnel avec provocation (TOP)
Ils permettent de suspecter un TSAF mais ne sont pas des facteurs propres au TSAF.
Contexte d’infraction et antécédents judiciaires
- Comportements inadaptés voire mise en danger
- Délinquance juvénile
- Présence de complices, plus expérimentés
- Infractions illogiques (ex : voler des objets de faible valeur) avec une forte probabilité de se faire prendre
- Délits d’opportunité peu élaborés (pas de stratégie préalable, une action sous le coup de l’impulsion, pas de stratégie de sortie)
- Réaction agressive, exagérée par rapport aux événements imprévus (« lutte ou fuite »)
- Est peu attentif à ses droits et y renonce facilement
- Confesse des choses qu’il n’a pas faites si vous lui suggérez
- N’a pas de remords, voire se vante de ses prouesses ou accepte toute la responsabilité s’il y a des complices
- Ne comprend pas la gravité de ses actes
- Affabule
- Est exagérément amical(e)
- À des difficultés de compréhension, de mémorisation, et les dissimule
- Immaturité
Contexte social et familial
- a été adopté
- a été accueilli (ou est accueilli) chez un assistant familial, un foyer ou a été concerné par des mesures au titre de la protection de l’enfance
- a un frère ou une sœur avec un diagnostic de TSAF ou autre troubles du neurodéveloppement (TND)
- un professionnel a déjà attesté d’une suspicion de TSAF
- la mère biologique a un passé avéré d’alcoolisme ou d’alcoolisation pendant la grossesse
02
Que faire en cas de suspicion ?
01 | Demander un examen médical
En vertu de l’article 63-3 du code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin une première fois au début de la garde à vue et une seconde fois en cas de prolongation. Par ailleurs, à tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue. Il convient de faire usage de cette disposition lorsque la personne fait état d’une souffrance physique ou d’un état de santé déficient, ou encore lorsqu’elle présente des troubles mentaux caractérisés.
L’examen est en principe destiné à vérifier la compatibilité de l’état de santé de la personne avec la garde à vue.
02 | Solliciter une expertise médicale
Un expert judiciaire est sollicité pour donner au juge un avis sur des points techniques précis. Il y a des experts dans des domaines très variés (médecine, accidentologie, architecture, etc…). L’expertise peut être sollicité par le juge ou par les parties au procès. L’avis de l’expert ne s’impose pas au juge, qui reste libre dans la façon de l’utiliser pour prendre sa décision. La rémunération de l’expert est incluse dans les frais du procès.
En l’espèce, en cas de suspicion de TSAF, une expertise psychiatrique peut être envisagée. Elle permettra d’évaluer la responsabilité pénale du prévenu et d’adapter la peine. C’est le rôle de l’expertise psychiatrique de déterminer le degré de responsabilité du prévenu, d’évaluer sa dangerosité ou les risques de récidive.
L’expertise médicale avant jugement n’est obligatoire, en vertu de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale, que pour les infractions les plus graves ou celles présentant un caractère sexuel mentionnées par l’article 706-47 du même code.
Par ailleurs, le code de procédure pénale détermine également un régime spécifique pour la protection juridique des majeurs. Aux termes de l’article 706-115, toute personne majeure dont il est établi, au cours de la procédure, qu’elle a fait l’objet d’une mesure de protection juridique -tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future – doit être soumise avant jugement à une expertise médicale obligatoire afin d’évaluer sa responsabilité au moment des faits.
En pratique, l’expertise est systématique en matière criminelle et ordonnée selon la nature du délit commis en matière correctionnelle.
Ces dispositions ne sont pas applicables dans le cadre des procédures rapides de jugement, qu’il s’agisse de la convocation par procès-verbal ou de la comparution immédiate.
02 | Orienter
Le diagnostic des TSAF est encore minoritaire en France : certaines régions sont mieux équipées, d’autres beaucoup moins, notamment pour les adultes. Si la personne arrêtée est mineure, elle peut être orientée vers un service de neurologie pédiatrique et/ou pédopsychiatrique. L’association Vivre avec le SAF a répertorié dans les régions des médecins expérimentés dans ce domaine.
Si la personne arrêtée est majeure, l’orientation peut se faire vers un service de neurologie, de psychiatrie ou d’addictologie.
Exemple d’éléments pris en compte par les professionnels de santé pour l’établissement d’un diagnostic :
- Comptes rendus et rapports médicaux, sociaux ou scolaires
- Dossier MDPH : c’est une source d’informations très important
- Source fiable directe (membres de la famille proche, travailleurs sociaux).
03
Comment interroger ?
A l’étape de l’audition, ce sont l’efficacité de la procédure et les droits fondamentaux des personnes atteintes de TSAF qui peuvent être mis en péril, tant lorsqu’elles sont accusées, témoins que victimes.
Entendre une personne atteinte de TSAF peut être un processus frustrant et éprouvant pour le professionnel.
Il faut s’attendre à ce que :
Retenons qu’une personne avec un TSAF a tendance à :
- Etre plus influençable
- Etre impulsive
- Ignorer le caractère répréhensible de ses actes
- Avoir du mal à raconter les faits (problèmes de mémoire, d’expression et de logique)
- Affabuler ou acquiescer (par exemple pour « faire plaisir » à son interlocuteur et espérer rentrer plus vite chez elle)
- Dissimuler ses difficultés de compréhension
- Avoir des difficultés à respecter les conventions sociales
- Réitérer
- Présenter un décalage entre son âge biologique et ses capacités intellectuelles et relationnelles

attention
risque d’affabulation et de faux aveux

Les problèmes de mémoire s’accompagnent d’une tendance à l’affabulation, exacerbée dans un contexte de stress ou de pression. Lorsqu’on les soumet à des questions répétées, les personnes atteintes de TSAF peuvent incorporer ces suggestions à leur propre récit d’événements. De plus elles font confiance et veulent faire plaisir aux personnes qui incarnent l’autorité. Elles sont capables de signer ou d’acquiescer des faits pour dissimuler leur handicap ou simplement dans l’espoir de rentrer chez elles.
04
Quelle peine DEFINIR ?
Dans le cas des TSAF, déterminer une peine est difficile car les personnes ont des difficultés à :
- relier les actes à leurs conséquences
- changer de comportement
- maîtriser leurs pulsions
- comprendre la notion même de sanction
Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de sanction possible mais qu’elles devraient être adaptées.
En effet, une peine selon les critères standards risque d’avoir des conséquences dommageables pour la personne mais aussi d’être inefficace : la punition a peu d’effet dissuasif sur ces personnes qui peinent à changer leurs comportements du fait de la nature organique de leur trouble.
Ces comportements sont dus à une déficience cérébrale. La reconnaissance de ce handicap doit amener à questionner, pour chaque individu, sa capacité à subir un procès et à être considéré comme responsable de ses actes
Une réponse pénale rapide à privilégier ?
Le temps de la procédure pénale peut être long. Plus le délai entre la commission de l’infraction et la réponse pénale est long, plus la possibilité pour la personne atteinte d’un TSAF de comprendre que la condamnation résulte de ses actes se réduit. Aussi, une réponse pénale rapide peut être plus intéressante.
Cependant, la comparution immédiate fait également l’objet de plusieurs critiques : droits de la défense moindres, surreprésentation de personnes précaires, nombreux recours à la détention provisoire.
Plutôt qu’une détention provisoire, la mise en place d’un contrôle judiciaire socio-éducatif permettrait d’associer un cadre juridique ferme avec un accompagnement personnalisé. Ce suivi permettrait de maintenir les liens familiaux, sociaux et donc favoriserait la ré insertion sociale de la personne atteinte de TSAF. Il permettrait également d’éviter les effets désocialisant de la détention et enfin de mettre en place dans le cadre d’une approche globale un accompagnement adapté (suivi social sanitaire, éducatif, etc).
Les alternatives aux poursuites
Les alternatives aux poursuites présentent l’avantage d’apporter une réponse pénale rapide. Elles sont particulièrement indiquées pour les personnes atteintes de TSAF primo-délinquantes ayant commis des faits de faible gravité.
Elle peut être envisagée, en tenant compte des circonstances de l’infraction, des besoins des parties concernées et des considérations de sécurité publique.
Les mesures ci-dessous sont plus particulièrement intéressantes :
- Avertissement pénal probatoire
- Stage de lutte, de sensibilisation ou de citoyenneté
- Réparation du préjudice de la victime
- Médiation pénale
- Composition pénale
Par exemple, une composition pénale permet d’agir sur les inégalités sociales de santé dont est victime la personne atteinte de TSAF. En effet, elles peuvent déjà le plus souvent se retrouver en situation d’exclusion sociale (sans emploi, sans-abrisme, etc), en situation de grande vulnérabilité (conduites addictives, troubles de la santé mentale, etc), certaines peines pourraient seulement aggraver leur situation sans même comprendre la raison de leur jugement.
Ainsi, la réalisation d’un stage, une interdiction de paraître ou de rencontrer, une mesure d’activité de jour, ou injonction thérapeutique peuvent être plus adaptés à une personne atteinte d’un TSAF.
Les alternatives aux poursuites permettent d’adapter la mesure à la personnalité, à la situation économique, sociale et sanitaire de la personne. Ici, l’enjeu est que la personne tout en prenant en compte ses difficultés de compréhension, ne récidive pas et puisse accéder à une prise en charge adaptée.
Les peines avec sursis
Conditions pour limiter ces risques :
- Pédagogie auprès du délinquant et des proches.
- En cas de sursis simple : s’assurer que la personne bénéficiera d’une supervision solide de la part de son entourage proche et dans le cas contraire faire appel aux services sociaux.
- En cas de sursis probatoire : le suivi des obligations est assuré par un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation qui permet un accompagnement renforcé
- Expliquer les obligations dans un langage simple avec plusieurs exemples permettant de comprendre l’impact concret de ces mesures dans sa vie quotidienne.
- Imprimer les obligations, les faire enregistrer sur son téléphone portable, les donner aux proches aidants qui pourront faire des rappels et s’assurer de leur respect.
- S’assurer que la personne bénéficie d’un suivi médical et psychologique (intervention de psychologues ou des psychiatres connaissant les caractéristiques des TSAF, thérapies comportementales axées sur l’acquisition d’habiletés sociales, traitement des addictions).
En résumé :
- Expliciter les obligations (écrire, dessiner)
- S’appuyer sur les proches
- Continuer/instaurer le médical et psychologique
Peine de prison ferme
Tout en prenant en compte le degré de gravité de l’acte, la détention doit être au maximum évité pour les personnes atteintes de TSAF.
En effet, la détention peut favoriser leur victimisation et aggraver leur état psychologique lié à l’isolement. L’incarcération peut être source d’aggravation des troubles mentaux de certains détenus sous le double effet de l’insuffisance des soins dispensés et des conditions de vie dans les établissements pénitentiaires (promiscuité, troubles du sommeil…). Cette situation peut mettre en danger les personnes atteintes de TSAF, qui peuvent porter atteinte à elles-mêmes (automutilations, suicides).
Aménagement pour limiter ces effets délétères :
- Privilégier des peines courtes, sous peine que la personne n’oublie pourquoi elle a été incarcérée et d’accroître les risques de victimisation ;
- Identifier un référent au sein de l’institution pénitentiaire qui connaîtra la problématique des TSAF et saura gérer les troubles comportementaux (accès de colère et comportements destructeurs comme l’automutilation) ;
- Construire des programmes dédiés comprenant des activités routinières et valorisantes (donner des tâches qui seront l’occasion d’acquérir ou de maintenir des compétences pratiques en termes de communication, de la gestion d’argent ou d’hygiène personnelle) ;
- Assurer un suivi médical et psychologique (selon les recommandations du médecin spécialiste référent du détenu) ;
- Donner (et répéter) des règles explicites et simples. Les personnes doivent comprendre ce qui est attendu d’elles.
- Solliciter des aménagements de peine : la détention sous surveillance électronique ou un placement à l’extérieur notamment.
En résumé :
- Peines courtes
- Activités routinières et valorisantes
- Règles explicites
- Suivi médical et psychologique
05
COMMENT PrÉVENIR LA RÉCIDIVE ?
Les personnes atteintes de TSAF ont besoin d’un accompagnement accru dans le suivi des peines prononcées afin d’éviter le risque important de récidive. Les troubles engendrés par l’alcoolisation fœtale sur le cerveau de ces personnes peuvent générer des difficultés de compréhension, de planification au de suivi des peines. Le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) est donc un acteur majeur dans cet accompagnement.
Pour réduire le risque de récidive, plusieurs choses peuvent être mises en place :
S’assurer que la personne bénéficie d’une supervision (parents, autres proches, travailleurs sociaux) pour réguler ses activités quotidiennes :
- Activités routinières et emploi du temps quotidien avec des horaires établis (quand se lever, manger, etc.).
- Règles de gestion de l’argent.
- Logement sécurisé et abordable ou un placement en résidence subventionnée.
- Orientation vers une formation professionnelle spécialisée et/ou des stages (penser aux entreprises adaptées).
Se coordonner avec les professionnels du secteur sanitaire et social :
- Identifier un travailleur social référent.
- Si la personne n’en bénéficie pas, orienter vers des professionnels du secteur sanitaire et social pour instaurer un suivi sur le long terme.
- S’assurer que le suivi médical est respecté.
- Définir des priorités thérapeutiques (gestion de la colère, traitement de la déviance sexuelle, de la toxicomanie et/ou de l’alcoolisme, thérapie familiale…).
En résumé :
- Superviser
- Routiniser
- Coordonner
06
QUEL RÔLE CONFIER AUX PROCHES ?
01 | Identifier un référent ou “cerveau externe”
- Evaluer l’environnement de la personne (santé mentale des parents biologiques, addictions, situation sociale), car pour limiter le risque de récidive, l’environnement doit être stable et structuré. Si nécessaire, faire appel aux services sociaux pour un suivi.
- La métaphore du « cerveau externe » décrit la supervision assurée par un référent (souvent un membre de la famille ou à défaut un professionnel).
- Il pallie les déficits de la personne en l’accompagnant au quotidien, en suivant son emploi du temps et en coordonnant les autres membres de l’entourage.
02 | Une carte personnelle de soins
La COREADD et l’association Vivre avec le SAF ont proposé un modèle de carte personnelle de soin :
Une carte personnelle de soins est mise à disposition pour les personnes avec un TSAF et leurs familles. Cette carte permet de notifier à toute personne, notamment lors d’une interpellation qu’elle est porteuse d’un handicap invisible. Les coordonnées de la personne référente sont aussi indiquées. L’enjeu est d’aider les policiers/gendarmes à comprendre la situation en cas d’interpellation. En amont, les proches doivent donc expliquer à la personne quand et comment l’utiliser.
Télécharger la carte d’identification
03 | En cas de sanction judiciaire
- Expliquer au proche référent la sanction et lui demander d’aider à faire respecter ses conditions (par exemple, s’assurer de l’assiduité aux rendez-vous).
- S’assurer que le lien social est maintenu en cas d’incarcération (droit de visite, insister sur l’importance d’envoyer régulièrement de l’argent sur un compte nominatif)